
Contrairement à la carte postale lavande-cigales-oliviers, la Provence est l’un des trésors de biodiversité les plus riches et menacés de la planète.
- Elle concentre près des deux tiers de la flore française et fait partie des 10 hotspots mondiaux de biodiversité marine.
- Apprendre à « lire » le paysage permet de transformer une simple balade en une fascinante enquête naturaliste, révélant la richesse et la fragilité des écosystèmes.
Recommandation : Adoptez le regard du pisteur en observant les détails : une plante « banale » est un bio-indicateur, une fauche tardive protège des oiseaux, et votre comportement de visiteur a un impact direct sur la survie de ce patrimoine.
Quand on évoque la Provence, des images iconiques surgissent instantanément : des champs de lavande ondulant sous le soleil, le chant assourdissant des cigales à l’heure de la sieste, et la silhouette argentée des oliviers centenaires. Cette vision, bien que magnifique, n’est que la couverture d’un livre extraordinairement riche et complexe. C’est une carte postale qui, à force d’être admirée, nous fait oublier le territoire vivant et foisonnant qu’elle représente. Car derrière ce décor familier se cache un des principaux « hotspots » de biodiversité de la planète, un carrefour biologique d’une densité exceptionnelle que beaucoup ignorent.
Le réflexe commun est de chercher le spectaculaire : les flamants roses de Camargue, les bouquetins du Mercantour. On se concentre sur les « stars » du monde animal, en oubliant l’infinie richesse du quotidien. Mais si la véritable clé pour comprendre la Provence n’était pas dans la contemplation passive de ses emblèmes, mais dans l’observation active de ses détails ? Et si chaque « mauvaise herbe » sur le bord d’un sentier, chaque insecte butinant une fleur de thym, chaque muret en pierre sèche était en réalité une lettre dans l’alphabet d’un langage que nous avons oublié de lire ?
Cet article n’est pas un guide touristique de plus. C’est une invitation à changer de regard. Nous allons vous donner les clés pour devenir un « détective de la nature », pour transformer votre prochaine randonnée en un safari de proximité. Nous apprendrons à décrypter les indices laissés par la faune, à comprendre ce que les plantes nous disent sur la terre qu’elles habitent, et à reconnaître les menaces qui pèsent sur cet équilibre précaire. L’objectif : passer de simple spectateur à acteur éclairé et émerveillé de la protection de ce patrimoine vivant.
Pour vous guider dans cette exploration, cet article est structuré pour vous faire passer progressivement de la prise de conscience à l’action. Vous découvrirez d’abord l’ampleur insoupçonnée de ce trésor, puis apprendrez les techniques pour l’observer, le comprendre et enfin, le protéger activement.
Sommaire : Explorer la richesse cachée de la nature provençale
- Pourquoi la Provence est un trésor mondial de la biodiversité (et pourquoi presque personne ne le sait)
- Le guide du pisteur discret : comment observer les animaux sauvages de Provence sans les faire fuir
- Le mythe des mauvaises herbes : ces plantes sauvages des sentiers qui sont de véritables trésors
- L’erreur de la beauté exotique : reconnaître les plantes invasives qui menacent la biodiversité locale
- Forêt, marais, garrigue : trois écosystèmes, trois univers de biodiversité à explorer
- Derrière la beauté : apprendre à lire un paysage provençal et à comprendre sa fragilité
- Comment le cahier des charges du Foin de Crau AOP sauve des espèces d’oiseaux menacées
- Provence : comment s’émerveiller de ses paysages sans participer à leur destruction
Pourquoi la Provence est un trésor mondial de la biodiversité (et pourquoi presque personne ne le sait)
Loin de se résumer à ses clichés, la région Provence-Alpes-Côte d’Azur est une véritable anomalie biologique, un concentré de vie d’une richesse rare à l’échelle mondiale. Les chiffres officiels donnent le vertige et contrastent violemment avec l’image réductrice que l’on en a. Selon les données de l’Office français de la biodiversité, ce territoire abrite à lui seul près des deux tiers des espèces végétales françaises, dont plusieurs dizaines sont strictement endémiques, c’est-à-dire qu’on ne les trouve nulle part ailleurs sur la planète. C’est un statut de « hotspot » de biodiversité, un titre partagé avec des régions aussi mythiques que la forêt amazonienne ou les récifs coralliens.
Cette exubérance ne s’arrête pas au littoral. La mer Méditerranée, qui borde la région, est elle-même l’un des 10 hotspots de biodiversité marine de la planète. Comme le souligne la DREAL PACA, elle concentre environ 10% des espèces répertoriées mondialement sur seulement 1% de la surface globale des océans. Cette densité s’explique par la confluence de climats (alpin et méditerranéen), de géologies variées et d’une histoire humaine qui a façonné des paysages uniques comme les restanques ou les plaines irriguées. Des herbiers de posidonie, véritables poumons et nurseries de la mer, aux pelouses alpines constellées de fleurs rares, la Provence est une mosaïque de micro-mondes interconnectés.
Cette réalité est pourtant largement méconnue du grand public. Fascinés par la beauté évidente du paysage, nous oublions souvent de nous interroger sur la mécanique vivante qui le compose. La lavande n’est pas qu’un décor violet ; c’est une ressource vitale pour des milliers d’insectes pollinisateurs. La garrigue n’est pas une terre aride ; c’est un écosystème complexe et résilient, adapté à la sécheresse. Prendre conscience de cette richesse cachée est la première étape pour la préserver, car on ne protège bien que ce que l’on connaît et ce que l’on aime.
Le guide du pisteur discret : comment observer les animaux sauvages de Provence sans les faire fuir
Observer la faune provençale, du sanglier au renard, en passant par le circaète Jean-le-Blanc ou la discrète genette, demande plus de patience et de savoir-faire que de matériel sophistiqué. Le secret ne réside pas dans un téléobjectif puissant, mais dans l’art de la discrétion et la compréhension du comportement animal. La première règle du pisteur est simple : se fondre dans le décor. Cela passe par le choix de vêtements aux couleurs neutres, mais surtout par la maîtrise du silence et du mouvement. Déplacez-vous lentement, marquez des pauses fréquentes pour écouter et balayer le paysage du regard. Apprenez à utiliser le vent : approchez toujours face à lui pour que votre odeur ne vous trahisse pas.
Les heures crépusculaires, à l’aube et au coucher du soleil, sont les moments les plus propices. La lumière rasante dessine les reliefs et la plupart des mammifères sortent pour se nourrir. C’est à ce moment que l’observation à contre-jour devient une technique redoutable : en vous plaçant dos au soleil levant ou couchant, vous devenez une silhouette sombre et difficile à identifier pour un animal, ce qui vous permet une approche beaucoup plus discrète.

Comme le montre cette scène, la patience et une position d’affût bien choisie sont les meilleurs alliés du naturaliste. Cherchez les « coulées », ces petits chemins tracés dans la végétation par le passage répété des animaux. Ce sont des autoroutes pour la faune locale. Se poster à proximité, immobile et silencieux, est souvent bien plus efficace que de marcher au hasard. L’observation de la nature est une école de l’humilité : c’est la nature qui décide si elle veut se montrer, notre rôle est simplement de créer les conditions pour que cette rencontre magique puisse avoir lieu, sans jamais déranger.
Votre feuille de route pour devenir un observateur averti
- S’équiper d’applications : Installez des outils de science participative comme Faune-PACA (LPO) ou iNaturalist. Chaque observation que vous enregistrez devient une donnée précieuse pour les scientifiques qui suivent l’état des populations.
- Lire le vent et le terrain : Avant de partir, analysez la direction du vent pour toujours progresser face à lui. Repérez sur le terrain les coulées (passages d’animaux) pour choisir vos points d’affût.
- Privilégier le crépuscule : Concentrez vos efforts sur les heures qui suivent le lever et précèdent le coucher du soleil. C’est à ce moment que la faune, y compris nocturne comme la genette ou le hibou petit-duc, est la plus active.
- Écouter les sons : Utilisez une application d’identification sonore comme BirdNet pour apprendre à reconnaître les chants d’oiseaux. Souvent, on entend les animaux bien avant de les voir.
- Pratiquer l’approche à contre-jour : Le matin ou le soir, positionnez-vous de manière à avoir le soleil dans le dos. L’animal qui vous fait face sera ébloui et aura plus de mal à distinguer votre silhouette.
Le mythe des mauvaises herbes : ces plantes sauvages des sentiers qui sont de véritables trésors
Le terme « mauvaise herbe » est une invention purement humaine, dictée par l’esthétique de nos jardins et l’efficacité de notre agriculture. Dans la nature, ce concept n’existe pas. Chaque plante, même la plus humble, joue un rôle crucial dans l’écosystème. Une promenade sur un sentier provençal devient une tout autre expérience lorsque l’on apprend à voir ces plantes sauvages non pas comme des intruses, mais comme des bio-indicateurs et des piliers de la vie. Elles sont le langage du sol, nous informant sur sa composition, sa structure et sa santé.
Le plantain qui pousse au milieu du chemin ne fait pas que résister au piétinement ; il nous signale que le sol à cet endroit est tassé et compacté. Le chiendent, souvent arraché avec rage des potagers, indique en réalité un sol riche et équilibré. Apprendre à reconnaître ces quelques plantes communes, c’est commencer à lire le paysage à un niveau bien plus profond. C’est comprendre pourquoi telle espèce pousse ici et pas là, et comment la vie s’adapte à chaque micro-condition du terrain. Beaucoup de ces plantes sont également des trésors de la pharmacopée traditionnelle ou de la gastronomie locale, comme la pimprenelle, délicieuse en salade.
Ce tableau simple vous donne quelques clés de lecture pour vos prochaines balades. Il vous aidera à identifier quelques plantes courantes et à comprendre ce qu’elles révèlent sur le milieu.
| Plante | Indication sur le sol | Usage traditionnel |
|---|---|---|
| Plantain | Sol tassé, piétiné | Anti-inflammatoire, cicatrisant |
| Chiendent | Sol équilibré | Diurétique, dépuratif |
| Pariétaire | Sol riche en azote | Efficace pour les reins |
| Pimprenelle | Sol calcaire | Salade sauvage comestible |
Au-delà de leur rôle d’indicateur, ces plantes sont la base de toute la chaîne alimentaire locale. Leur importance est souvent sous-estimée, comme le rappelle cette observation d’un expert du Réseau PRECI :
Une simple cardabelle ou un fenouil sauvage constitue une station-service indispensable pour des dizaines d’espèces d’insectes pollinisateurs, qui sont eux-mêmes la base de l’alimentation des oiseaux. Ces plantes communes que tout le monde piétine sont en réalité des maillons essentiels de la chaîne alimentaire locale.
Changer notre regard sur ces herbes folles, c’est reconnaître la complexité et la beauté de l’interdépendance du vivant. Chaque fleur, chaque feuille, chaque tige est une pièce d’un immense puzzle écologique. Les mépriser, c’est ignorer le fonctionnement même de la nature qui nous entoure.
L’erreur de la beauté exotique : reconnaître les plantes invasives qui menacent la biodiversité locale
Si les plantes locales sont les piliers de la biodiversité provençale, certaines beautés importées agissent comme de véritables bulldozers écologiques. Les Espèces Exotiques Envahissantes (EEE) sont l’une des principales menaces pour les écosystèmes locaux. Introduites, souvent pour leur attrait ornemental dans les jardins, elles s’échappent et colonisent les milieux naturels au détriment de la flore indigène. Sans prédateurs naturels dans leur nouvel environnement, elles prolifèrent de manière incontrôlable, étouffant les espèces locales, monopolisant l’eau et la lumière, et banalisant les paysages.
Le problème est d’une ampleur considérable. D’après la DREAL PACA, pas moins de 328 espèces non indigènes sont recensées en Méditerranée occidentale, dont une trentaine sont considérées comme particulièrement invasives. Le paradoxe est que beaucoup de ces plantes sont encore perçues comme belles et vendues en jardinerie. L’Herbe de la Pampa, avec ses plumeaux majestueux, les Griffes de sorcière et leurs tapis de fleurs fuchsia, ou encore « l’arbre à papillons » (buddleia) sont des envahisseurs redoutables qui supplantent la flore locale dont dépendent les insectes et les oiseaux de la région.

Apprendre à les reconnaître est un acte citoyen. Le contraste entre une plante invasive et une alternative locale, comme le montre cette image, est frappant. L’une peut paraître spectaculaire mais crée un désert biologique autour d’elle, tandis que l’autre, peut-être plus discrète, grouille de vie. Remplacer une espèce invasive dans son jardin par une plante locale adaptée à la sécheresse n’est pas un sacrifice, c’est un geste concret et puissant pour la préservation de la biodiversité provençale.
Plan d’action du jardinier-protecteur
- Identifier les principales invasives : Apprenez à reconnaître les trois ennemies les plus communes des jardins provençaux : l’Herbe de la Pampa (Cortaderia selloana), les Griffes de sorcière (Carpobrotus), et le Robinier faux-acacia.
- Participer aux chantiers : Renseignez-vous sur les chantiers d’arrachage citoyens organisés par les Parcs Naturels Régionaux ou les associations locales. C’est un moyen efficace d’agir collectivement.
- Signaler leur présence : Utilisez les plateformes de signalement en ligne (par exemple, celles du Conservatoire Botanique National Méditerranéen) pour aider les scientifiques à cartographier la progression de ces espèces.
- Choisir les bonnes alternatives : Remplacez « l’arbre à papillons » (Buddleia), qui attire mais ne nourrit pas les chenilles, par un Gattilier (Vitex agnus-castus), une plante locale magnifique et très attractive pour les pollinisateurs.
- Jardiner local : Pour vos plantations, privilégiez toujours les espèces indigènes et résistantes à la sécheresse. Elles sont non seulement plus écologiques mais aussi beaucoup plus faciles d’entretien.
Forêt, marais, garrigue : trois écosystèmes, trois univers de biodiversité à explorer
La richesse biologique de la Provence ne réside pas seulement dans le nombre d’espèces, mais aussi dans la diversité de ses habitats. En quelques dizaines de kilomètres, le paysage peut radicalement changer, passant d’une forêt de chênes verts dense et ombragée à une garrigue ouverte et baignée de soleil, ou encore à un marais saumâtre vibrant de vie. Chacun de ces trois grands écosystèmes – forêt, garrigue, et zones humides – abrite un cortège d’espèces spécifiques, créant une mosaïque de mondes à explorer.
La forêt provençale, qui couvre une part significative du territoire, est loin d’être uniforme. Selon le Schéma Régional de Cohérence Ecologique, 43% des réservoirs de biodiversité en PACA sont forestiers, une proportion bien supérieure à la moyenne nationale. Ces forêts sont le refuge du pic épeiche, de l’écureuil roux et, dans les zones les plus secrètes, du chat forestier. La garrigue, souvent perçue à tort comme un milieu pauvre et dégradé, révèle une tout autre facette à qui sait l’observer. C’est le royaume des plantes aromatiques, des reptiles qui se chauffent au soleil comme le lézard ocellé, et d’une vie nocturne insoupçonnée où règnent la genette, le hibou petit-duc et le gecko.
Les zones humides, comme la Camargue ou les salins d’Hyères, sont quant à elles des carrefours migratoires d’importance internationale pour des millions d’oiseaux. Mais la plus grande richesse se niche souvent à la frontière entre ces mondes.
Étude de cas : Les écotones, zones de transition ultra-riches
Les zones de transition, ou « écotones », où deux écosystèmes se rencontrent (par exemple, la lisière entre une forêt et une garrigue, ou le bord d’un marais), sont des points chauds de biodiversité. Elles cumulent les espèces des deux milieux et en abritent d’autres, qui leur sont spécifiques. C’est dans ces lisières que l’on a le plus de chances d’observer des oiseaux comme la pie-grièche écorcheur, qui chasse dans le milieu ouvert (garrigue) mais niche dans les buissons denses (lisière forestière). C’est aussi là que prospèrent des orchidées sauvages particulières, qui profitent de conditions de lumière et d’humidité uniques. Explorer ces zones frontières, c’est multiplier ses chances de découvertes.
Comprendre cette structuration en grands ensembles permet de mieux orienter ses explorations. Chercher des orchidées en pleine pinède dense est voué à l’échec, tout comme espérer voir un lézard ocellé dans un marais. Chaque milieu a ses codes, ses habitants et ses trésors. Apprendre à les reconnaître, c’est posséder la carte qui mène à la découverte.
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Derrière la beauté : apprendre à lire un paysage provençal et à comprendre sa fragilité
Un paysage provençal n’est pas une peinture immuable ; c’est un palimpseste, un parchemin sur lequel l’histoire naturelle et humaine n’a cessé d’écrire. Apprendre à lire un paysage, c’est décrypter ces écritures superposées pour comprendre non seulement sa beauté présente, mais aussi sa dynamique et son extrême fragilité. Un randonneur attentif peut voir, aujourd’hui, les signes bien visibles des bouleversements en cours. Le dépérissement de certaines hêtraies dans le Luberon, incapables de supporter les sécheresses répétées, la remontée progressive en altitude du pin d’Alep, ou encore la multiplication des attaques de chenilles processionnaires sont autant de symptômes du changement climatique qui redessine la végétation sous nos yeux.
Le paysage porte aussi les cicatrices de l’histoire humaine. Ces murets de pierre sèche qui strient les collines, les « restanques », ne sont pas de simples éléments décoratifs. Ils racontent une époque d’agriculture vivrière, où chaque parcelle de terre était précieusement cultivée. Leur abandon progressif a entraîné une modification profonde de l’écosystème, favorisant l’embroussaillement et augmentant le risque d’incendie. De même, une « borie » (cabane en pierre) ou un « aiguier » (citerne creusée dans la roche) sont les témoins d’une ingéniosité passée pour vivre dans un milieu où l’eau est rare.
Cette fragilité est au cœur des préoccupations des acteurs environnementaux, qui soulignent l’urgence d’agir. Comme le met en lumière France Nature Environnement PACA dans son diagnostic :
Le territoire régional doit faire face à la sévérité particulière des effets du changement climatique qui touche le monde alpin et le bassin méditerranéen, et agir à hauteur du caractère de hotspot de biodiversité qui caractérise son territoire au niveau international.
– FNE PACA, Diagnostic de la Stratégie Régionale Biodiversité
Ce double statut de trésor mondial et de territoire en première ligne face au réchauffement climatique confère à la Provence une responsabilité particulière. Chaque élément du paysage, de la plus petite fleur à la plus grande forêt, est un maillon d’une chaîne soumise à une tension croissante. Le comprendre, c’est passer du statut de consommateur de paysages à celui de gardien averti.
Comment le cahier des charges du Foin de Crau AOP sauve des espèces d’oiseaux menacées
La protection de la biodiversité ne passe pas toujours par la sanctuarisation de la nature. Elle peut aussi naître d’une alliance intelligente et ancestrale entre l’agriculture et l’environnement. Le Foin de Crau AOP en est l’un des exemples les plus emblématiques en France. Loin d’être un simple foin, ce produit agricole d’exception est le fruit d’un cahier des charges strict qui, indirectement, fait de ses producteurs les premiers gardiens d’espèces d’oiseaux menacées.
La plaine de la Crau, unique steppe aride d’Europe occidentale, abrite des oiseaux rares comme l’Outarde canepetière et l’Œdicnème criard. Ces espèces ont la particularité de nicher directement au sol, au milieu des prairies. L’enjeu est donc de concilier la fauche, nécessaire à la production du foin, et la reproduction de ces oiseaux. C’est là que le cahier des charges de l’AOP devient un outil de protection d’une efficacité redoutable. Il impose notamment une date de fauche tardive, après le 15 juin, ce qui laisse le temps aux oisillons de grandir et de prendre leur envol avant le passage des machines. De plus, la technique d’irrigation par submersion, héritée de plusieurs siècles, crée des prairies riches d’une diversité floristique unique (plus de 50 espèces différentes) qui garantit une profusion d’insectes, nourriture indispensable pour l’élevage des jeunes.
Étude de cas : Le Foin de Crau, un modèle d’agro-écologie
Le cahier des charges strict du Foin de Crau AOP est un parfait exemple d’agro-écologie où des pratiques agricoles définies protègent activement la biodiversité. La fauche tardive et l’irrigation par submersion ne sont pas des contraintes environnementales ajoutées, mais le cœur même de la méthode de production qui garantit la qualité du foin. En protégeant la nidification d’espèces menacées comme l’Outarde canepetière et l’Oedicnème criard, les agriculteurs ne font pas qu’un geste pour la nature : ils pérennisent la valeur de leur propre produit. Ce cercle vertueux montre que l’activité humaine, lorsqu’elle est pensée en harmonie avec les cycles naturels, peut être une force de préservation et non de destruction.
Cet exemple démontre que le consommateur a un pouvoir insoupçonné. En choisissant des produits issus de ces filières vertueuses, il ne fait pas qu’acheter un aliment de qualité ; il finance directement la sauvegarde d’un écosystème. Soutenir ces labels, c’est voter avec son portefeuille pour une agriculture qui est une alliée de la biodiversité.
- Choisir des produits labellisés AOP, Bio ou HVE (Haute Valeur Environnementale) pour soutenir des pratiques agricoles respectueuses.
- Comprendre que chaque achat de Foin de Crau AOP participe au financement de la protection d’habitats pour des espèces menacées.
- S’intéresser à d’autres exemples français comme l’agneau de pré-salé du Mont-Saint-Michel, où le pâturage entretient un milieu naturel unique.
- Se renseigner sur la traçabilité et l’origine des produits agricoles pour faire des choix éclairés.
À retenir
- La Provence est un « hotspot » mondial de biodiversité, bien au-delà de ses images d’Épinal, concentrant une richesse biologique exceptionnelle mais méconnue.
- Observer la nature provençale demande de passer d’un regard de touriste à un regard de « pisteur », en apprenant à lire les indices (traces, plantes bio-indicatrices, écotones).
- Protéger ce patrimoine implique des actions concrètes : lutter contre les plantes invasives dans nos jardins, choisir des produits agricoles (comme le Foin de Crau AOP) qui soutiennent les écosystèmes et adopter un comportement de visiteur à faible impact.
Provence : comment s’émerveiller de ses paysages sans participer à leur destruction
La prise de conscience de la richesse et de la fragilité de la biodiversité provençale amène inévitablement à une question cruciale : comment profiter de cette beauté sans contribuer, même involontairement, à sa dégradation ? Le tourisme, principale économie de la région, exerce une pression immense sur les milieux les plus sensibles. Le piétinement hors des sentiers dans les calanques ou les champs de lavande, les déchets laissés après un pique-nique, ou encore le mouillage des bateaux de plaisance sont autant de petites actions individuelles dont l’impact cumulé est dévastateur.
L’un des exemples les plus criants est celui des herbiers de posidonie. Cette plante à fleurs sous-marine, fondamentale pour l’écosystème méditerranéen, est mise à mal par les ancres des bateaux qui labourent les fonds marins. Les chiffres sont alarmants : l’Observatoire de la biodiversité PACA révèle que l’herbier de posidonie a régressé de 13% en 90 ans en région PACA, avec des pertes catastrophiques pouvant atteindre 71% dans des zones de forte fréquentation comme entre le Cap d’Antibes et Nice.
Adopter un comportement de « visiteur responsable » n’est pas une contrainte, mais la suite logique de l’émerveillement. C’est l’acte de rendre à la nature le respect qu’elle nous inspire. Cela passe par des gestes simples : rester sur les sentiers balisés, remporter tous ses déchets, éviter les « selfies » dans les zones fragiles, et privilégier les mobilités douces. Il s’agit de troquer une logique de consommation de paysages contre une approche d’immersion respectueuse. S’émerveiller du vol d’un oiseau, du parfum d’une plante ou de la transparence de l’eau, c’est aussi vouloir que ceux qui viendront après nous puissent connaître la même émotion.
Protéger la biodiversité provençale commence par des choix conscients et informés. Pour mettre en pratique ces conseils et transformer votre prochaine visite en une expérience à impact positif, l’étape suivante consiste à planifier vos activités en privilégiant les acteurs et les sites engagés dans une démarche de tourisme durable.
Questions fréquentes sur la protection de la biodiversité en Provence
Comment reconnaître un hébergement vraiment écologique ?
Recherchez les labels officiels comme ‘Esprit parc national’ ou ‘Valeurs Parc naturel régional’ qui garantissent un engagement réel pour la biodiversité, au-delà des simples déclarations marketing.
Quelles alternatives au tourisme de masse dans les sites surfréquentés ?
Privilégiez le Slow Tourisme. Des options comme le Train des Pignes, les véloroutes du Calavon et de la Via Rhôna, ou les sentiers de Grande Randonnée de Pays (GRP) en itinérance permettent une découverte en profondeur avec un faible impact carbone.
Comment photographier sans nuire à l’environnement ?
La règle d’or est d’éviter le piétinement hors des sentiers balisés, notamment dans les lieux emblématiques comme les champs de lavande de Valensole ou les Calanques. Cherchez des points de vue originaux depuis les chemins existants ou explorez des sites moins fréquentés pour vos clichés.